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Art public et peinture expérimentale

1 juillet 2011

Introduction à la Repeinture

Par Michel René Alix

(Voir les photos de travaux publiés publiquement sous Flickr.com ou Picasia.com)

Pourquoi ajouter de la peinture quand on peut l’enlever ? Pourquoi partir de zéro comme un apprenti sorcier quand on peut rassembler couche sur couche comme le fait ce bon vieillard, le Temps ?

La Repeinture (un genre de mon invention) implique aller la découverte de l’individualité d’une forme en sculptant ou en modelant une configuration de peinture existante, éclaboussée ou appliquée au rouleau (collage, etcetera). Dans le sillage su Surréalisme et du Dadaïsme, la Repeinture établit un dialogue préliminaire avec la forme (ligne, tache ou photo) et développe une relation qualitative, une réduction ou un élargissement, un lien poétique, un procédé de série ou de bourgeonnement.

Est-ce compréhensible ? Au risque de me quereller tout seul, l’art ne s’adresse pas au pointilleux, pieds tendres ou non-initiés de la culture. L’art est une sale corvée, mais il faut que quelqu’un le fasse.

La Déconstruction du Peint

L’attitude du peintre est ordinairement de bâtir, construire, d’ajouter de la peinture à la peinture. Cependant, la peinture est la peau des choses qui mérite de s’adapter à la « chose » plutôt qu’à elle-même. Autrefois les Grecs peignaient leurs temples et leurs statues, la peinture servant à ranimer et à rénover. Aujourd’hui, depuis que la science a découvert les espaces vides au centre de la matière, la peau de la peinture doit réagir à l’aléatoire au fond de l’être, à la roulette russe des sous-couches, au creux éventré de l’oignon, en se mettant au même diapason. Il est temps de créer de nouveau en rebâtissant à l’inverse, donc de repeindre.

Bien sur, on a raison de se méfier du mot « déconstruction » qui se réfère initialement au regroupement ou décorticage de sens que font des philosophes (tels que Jacques Derrida) qui sont portés sur le langage. Mais le monde visuel ne se conforme pas obligatoirement au texte écrit, comme l’a constaté Tom Wolfe dans pamphlet critique de la peinture moderne, The Painted Word (le mot dépeint, la peinture à base de texte). Il ne semble pas s’adapter non plus aux notions d’analyse linguistique prévu par le philosophe Husserl. La « déconstruction », dans le sens visuel, privilégie peut-être une nouvelle façon de voir l’art. Préférant le phénomène (le monde tel qu’on le voit) au Noumène (la chose en soi, décrite dans la Critique de la Raison Pure de Kant). La chose en spectacle à l’homme, plutôt que la chose telle qu’on peut seulement l’imaginer mathématiquement ou scientifiquement ; voir la chose derrière la chose. Ainsi la présentation de l’art aux yeux humains plutôt qu’à tous les entres sensibles : anges, trônes, puissances, dominations, chats, chiens, et fétiches vaudous.

Les Formules de la Repeinture

Pour mettre en route ce genre de dé-peinture, en tant qu’artiste je dois choisir un point de départ. Ainsi j’ai élaboré des formules qui agissent en même temps comme thèmes superficiels et qui entament des roulements de dés, ce qui permet un dépassement réactif. Je me sers de griffonnages, de grattages (« scrachitis » plutôt que graffitis), idéogrammes, diagrammes et cartogrammes. Je peins sur des collages et dessine sur de la peinture. Je colore en dehors des lignes. Je progresse de l’étape du cassage analytique préliminaire à l’étape du redressement synthétique final. De la lutte à la réconciliation, j’explore le rituel des contrastes, qui comme la rédaction des notes en musique, opère à l’avant plan de l’expression (dans ce cas visuelle et non auditive.) Contrastes comme l’harmonie et la désharmonie des sphères, le conflit entre les yeux et les mains, et toutes le vagues percutantes de l’ame.

La spiritualité en art a peut-être été exagérée depuis Kandinsky (peintre abstrait des débuts de l’art abstrait et auteur de La spiritualité en art), entraînant les peintres à établir des descriptions outre mondaines de ce qu’ils auraient pu mieux créer. Au plus simple, une peinture est une vision, une vue de quelque chose qui passe devant la rétine. Du point de vue de l’artiste, c’est une performance pour un spectateur éventuel, l’ouverture d’une porte ou d’une fenêtre sur du jamais vu ou du jamais vu de telle et telle façon. Ce n’est pas le marketing d’un objet sacré, imbu d’une valeur chosifiée, un objet destiné à remplir de l’espace, un trophée ou tout simplement une décoration « qui va bien au-dessus du canapé. »

Je prône une contemplation volatile de l’art, comme visionner un filme, écouter de la musique, faire l’amour ou avoir un coup de cœur. Cette légèreté d’être peut mener à que l’art perde du charisme dans l’œil gonflé de l’aristocrate-prolo ou du consommateur de divertissements artistiques. Le plein ventre de détails, les icônes incompréhensibles pourvues par la tonne, visant des relations mystiques avec le visible (mais rappelant les lieux communs) ou l’incarnation obtuse, posée lourdement à la limite de la compréhension, enrichie d’allusions religieuses ou laïques, et qui règne parmi les mystères puissants de la neo-superstition, et remplace les données intelligibles du monde transcendant -- ou profond.

Débarrassons-nous des choses et faisons valoir les thèmes, les concepts, et les contre-concepts. Je dis, acclamons la peau de la création, les incorporations légères – les dessins mathématiques et électroniques, les tracés peints qui mènent à l’objectif visuel, de la peinture de guerre comme monnaie d’échange pour Amérindiens, l’art comme quelque chose qui danse devant les yeux, comme une mise en scène avec une iconographie et une sémiologie nouvelle, provisoire, servant à remplacer les monolithes répétitifs du passé, les symboles et euphémismes de la Renaissance et de la peinture classique – ou les battements d’ailes d’avant-gardes mortes-nées.

Peindre Pour Surpeindre

Rien ne se fait à partir de rien. Il n’y a pas de pages vierges, seulement des blanches, pas de toiles vides, pas d’espaces à remplir, et pas de commencements. Leibniz avait raison : « la nature abhorre le vide.» Le peintre traditionnel est incroyablement prétentieux à vouloir initier une image ; d’imaginer une table rase, un début ultime. Plutôt que peindre, mieux vaut « surpeindre » ; remplacer une certaine vision par une autre. Et qui sait ou mène la vision ultime ?

La Repeinture cherche à contourner les ordonnances traditionnelles : le produit moyen construit avec soin, propreté, et sacrement, comme la preuve de la puissance et de l’astuce des syndicats humains, le travail qui fait pousser de multiples têtes d’hydre, ou remplace une tête tranchée par une nouvelle ; art entant que produit commercial des rêves d’un promoteur, entant qu’objet conceptuel dans un laboratoire d’idées Platoniciennes ou pensée résiduelle, un distillé de la glu du discernement humain, secrétée au cours d’éternités, ou pire encore, synthétisée dans un laboratoire d’état avant hier.

Non, l’art n’a pas besoin ni d’approbation divine, ni de conditions de travail antiseptiques : l’art peut être dissipé et parfois doit être dissipé. Par exemple, prenons le travail de début de carrière de Jean Dubuffet, sa bonne femme sur coquille Saint Jacques et ses paysages portables. C’est un bon départ : l’art ne nécessite pas des photocalques, brevets, ou propositions de projet bureaucratiquement peaufiné ni même de compte en banque pour vivre et respirer. L’art dédaigne la table de travail du professionnel qualifié (orné de toutes ses plumes et ses diplômes) et des distillations hautaines des académies. Il se dirige vers une défiance dialectique de la raison et des fondements de la raison, afin de faire vibrer une cacophonie musicale de contrastes et de contradictions.

Mais… quelqu’un me dira, un art de la sorte peut se former par lui-même. Je réponds qu’un art de la sorte doit se former par lui-même, doit jouer à la roulette du hasard, des résultats aléatoires – des hauts et des bas de l’évolution, des inclusions et des exclusions de l’existence. Mais il ne peut pas se faire sans un guide : l’homme. L’artiste opère comme le grand modeleur, celui qui dirige et exploite les opportunités de croissance ou de réduction de la forme, qui opère le modelage de la chaire vivante, et fait pleuvoir la peinture de ses mains. Un art de la sorte sera-t-il suffisamment domestiqué pour plaire?

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11 avril 2011

Introduction to Re-Painting

(En attendant la traduction de ce texte en Français, je vous offre l'original. Bonne chance aux cancres de l'anglophonie. [L'éditeur et l'auteur.])

Why add paint when you can remove it? Why start from scratch like an apprentice sorcerer when you can add an accretion, layer upon layer like Old Man Time.

The principle behind re-painting is to discover the individuality of a form (or a contrast, or any other esthetic element or concept) through sculpting and modeling an arbitrarily-created configuration of existing, splattered, or rolled-on paint (collage, roofing, or tin siding). In the tradition of Surrealism and Dadaism, re-painting establishes a preliminary dialogue with form (line, blob, or photograph) and develops a qualitative relation, a reduction, a poetic link, a sequential or burgeoning process. 

Does any of this make sense? At the risk of arguing with myself, art is not for the peevish, the tenderfooted, and the unbred greenhorn. It's ugly work, but somebody has to do it.

The Deconstruction of Paint

The attitude of the painter is usually to build, fabricate, construct, and add paint to paint. However, paint is the skin of things and deserves to adapt to the “thing” rather than to itself. In ancient times, the Greeks painted their temples and statues, giving paint a revivifying, renovating role. Today, when science has discovered the emptiness behind all matter, the painted skin can be a response to that hazardousness of being, to the roulette of the substrata, to the emptiness at the core of the onion. It is time to recreate by re-building, re-constructing, and “re-painting”.

Of course, there is good reason to suspect a word like "deconstruction" (see subtitle above) that refers to the kind of grouping and mincing of words or meanings by philosophers such as Jacques Derrida. The visual realm doesn't necessarily conform to the worded page (as Tom Wolfe cleverly commented in his pamphlet, The Painted Word), nor does it adapt clingingly to the notion of analytical bracketing that philosophical (analytical) linguists profess. Rather deconstruction in a visual sense might be a way to privilege new ways of seeing art. Giving preference to the "phenomenon" (the world as humans see it) rather than the assumed thing in itself, the "noumenon" (see Kant's Critique of Pure Reason); thus, the presentation of art to human eyes rather than for those of all assumed sentient beings (aurochs and angels, thrones, powers, dominations, cats, dogs, voodoo fetishes, etc.)

The Formulas of Re-Painting

In this kind of unpainting, I (as a painter) have to start somewhere. So I've developed formulas that operate at the same time as superficial themes and as the roll of the dice that enables further response. I use doodling, scratching (“scrachitis” instead of graffiti), ideograms, diagrams, and cartograms. I paint on collages and draw on paint. I color outside the lines. I pass from the analytical "break up" stage to the final synthetic "make up" stage. From strife to reconciliation, I explore ritual contrasts, which like the notes in music, operate in the forefront of visual expression. Contrasts, as the harmony/disharmony of the spheres, as the struggle of eyes and hands, and as the percussion waves of the soul.

Perhaps spirituality in art has been over emphasized since Kandinsky, motivating painters to establish other-worldly descriptions of what they could have created better. A painting, at its simplest, is a vision, a view of something as it passes before the retina. From the artist's viewpoint, it is a performance for an eventual spectator, the opening a door or window on something not yet seen, or yet unseen in such and such a way. It isn't the merchandising of a sacred objet, imbued with thingy value,  a filler of space, a trophy, or a something that looks good above the sofa.

I propose looking at art as airily as in watching of a movie, listening to music, making love, and falling in love. This lightness of being may lead to art's loss of charisma in the eye of  today's puffed up prolo-aristocrat or arto-tainment tourist. The bellyful of details, the brick load of incomprehensible icons, aimed at a mystical relations with the visible (yet reminiscent of the tawdry), or the embodiment that sits heavy and obtuse at the margin of understanding, rich with religious credence, or living among the potent mysteries of neo-superstition replaces the intelligible hints of a deeper world.

I say: "out with things" and perhaps "in with the themes, concepts, and counter-concepts." I say, "in with the skin of creation": the light embodiments -- mathematics and electronic designs, painted visual trails, war paint as wampum for a day, art as something that dances before the eye like a theatrical display, with newborn temporary iconography and semiology to replace the repetitive monoliths of the past, the symbols and euphemisms of Renaissance and classical painting -- or the flutters of still-born avant gardes, etc.

To Paint Is to Over-Paint

Nothing but nothing starts from scratch. There are no blank pages, only white ones, no blank canvasses, no spaces to fill, and no beginnings. Leibnitz was right: "Nature abhors a vacuum." In a sense, the traditional painter is incredibly pretentious and unrealistic in wanting to "start" a picture. To imagine a tabula rasa, a point of ultimate departure. Rather, to paint is to over-paint, to replace one substance with another, one vision with another. And who knows where the ultimate vision leads?

Re-painting seeks to avoid the prescriptions of traditionalism: the carefully-constructed, pristine, and pontifically-approved middle product, as a proof of the pull of craft and collective cunning of human syndicates, the work that sprouts multiple hydra heads or replaces one hydra head for another that has been cut off; art as the mercantile object of a promoter's dreams, as conceptual object in a laboratory of pure Platonic forms, or as the objective residue distilled from the glue of human discernment over eons of organic secretion, or worse yet, synthesized in a public laboratory.

No, art doesn't need divine approval, or antiseptic labor. Art can be messy, and it sometimes must be messy. Consider the early work of Jean Dubuffet, his woman on the half shell, his handheld landscapes. A good beginning: art doesn't need a blueprint, copyright, or bureaucratically polished project proposal, or even a bank account to live and breathe. It spurns the craftsman’s work table as well as the lofty heights of academic distillation -- it goes where life is a dialectical challenge to reason, and to the foundations of reason, with its cacophonic music of contrasts and contradictions.

But ... someone will tell me: art like this can form itself. I answer: art like this must form itself, must play the roulette of hazard, randomness -- the ups and downs, and in and outs of existence. The artist then operates as the big molder; the one who directs and exploits the opportunities of growth or reduction; who molds art's living flesh, knuckles dripping. Could such art be tame enough to please?

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